WEITERSWILLER

 

Les pierres bornes du ban de Weiterswiller

Sous l'ancien régime, le village de Weiterswiller, qui appartenait à la baronnie de Fleckenstein, était entouré au nord et à l'ouest par les possessions de la seigneurie d'Oberbronn (Sparsbach et Weinbourg), à l'est et au sud par celles du comté de Hanau Lichtenberg (Obersoultzbach, Bouxwiller, Neuwiller). Des pierres bornes délimitaient les bans dont elles matérialisaient le pourtour. Plusieurs ont disparu, victimes des outrages du temps et des activités des hommes.
Sur la carte ci-dessous, le pourtour du ban de Weiterswiller est représenté par la ligne rouge, et les 116 bornes que l'on peut encore voir, si l'on a le courage de parcourir les 13,6 km très accidentés des limites de la commune, par des carrés blancs.

En cliquant sur un carré blanc, vous verrez la photo de la borne correspondante, parfois assortie d'un commentaire.

Ban

 

Le plan d'arpentage de 1760

Les archives départementales du Bas-Rhin détiennent un plan d'arpentage du ban de Weiterswiller dont M. Himly, ancien directeur des archives, estime qu'il a été établi en 1760. Les limites séparant Weiterswiller des bans voisins y sont matérialisées par des lignes continues, et, sur ces limites, 68 bornes sont représentées en rouge.
On y constate que deux ruisseaux servent de « frontière » naturelle : l'un entre Weiterswiller et Obersoultzbach et l'autre entre Weiterswiller et Neuwiller.
Bizarrement, le sud est en haut du plan et le nord est en bas, ce qui a pour effet d'inverser la vue par rapport aux normes actuelles.

plan 1760

La plus ancienne pierre borne qui nous soit parvenue se trouve non loin de la Boxmühle, au lieu-dit im Guttenhalen à proximité des carrières de pierre à chaux exploitées à l'époque révolutionnaire par le tuilier Louis Singer, futur maire de la commune. C'est la seule borne armoriée du ban sur laquelle figurent les armoieries des Fleckenstein-Dagstul. Le dessin qu'en a fait Tony Langen se trouve en haut et à gauche de cette page et de toutes celles du site consacrées aux bornes.

Fleckenstein       Hanau

Le côté Fleckenstein-Dagstul et le côté Hanau-Lichtenberg de la borne

En 1786, la plupart des bornes anciennes ont été remplacées et de nouvelles bornes ont été posées. Des procès verbaux d'abornement qui ont dû être établis à ces occasions, il ne subsiste que celui de 1787, entre Weiterswiller et Obersoultzbach, conservé dans les archives communales.

Le receveur des comptes de la commune pour 1791, Chrétien Steyer, nous apprend que cette année-là il a payé 4 sous et 6 deniers au tailleur de pierres, Georges Vetter, pour la fabrication de trois pierres bornes. Elles ont été posées en deux jours (mais on ne sait pas où) par le maire Philippe-Henri Schmitt aidé de quatre conseillers municipaux : Valentin Gress, Louis Haehnel, Henri Trog et Chrétien Bergmann.

 

Le procès verbal d'abornement entre Weiterswiller et Obersoultzbach

La pose des pierres bornes en 1786 entre les bans de Weiterswiller et d'Obersoultzbach a donné lieu à l'établissement d'un procès verbal d'abornement daté du 8 octobre 1787, établi par le géomètre arpenteur seigneurial Schmidt, de Bouxwiller, en présence des représentants des deux communes.

Il y est fait référence à des procès verbaux d'abornement de 1449 et 1777. La première date montre bien l'ancienneté du bornage des limites entre Weiterswiller et les communes voisines.

Le procès verbal de 1787 donne avec précision les emplacements des bornes par référence à la borne numéro 1, érigée près du lieu appelé Fuchshuebel, « la butte du renard ».
Ce précieux document, qui décrit les inscriptions gravées sur les bornes, donne aussi la distance entre chaque borne de la suivante.

Bornes1787

On y apprend que les trois chevrons des Hanau Lichtenberg sont gravés dans la pierre de la borne 1, sur la face tournée vers Obersoultzbach (Hanauischer Seite), accompagnés du symbole Δ, qui représente le village d'Obersoultzbach, et des lettres O, S, B (pour Obersoultzbach).
L'autre face, tournée vers Weiterswiller (Rohanischer Seite), porte le millésime 1786 accompagné de la lettre R (pour Rohan-Guéméné) et du numéro de la borne, le 1 pour la borne de référence. On retrouve ces signes sur toutes les bornes restées en bon état avec, quelquefois, une croix gravée profondément sur la face supérieure de la borne.

Les distances entre les bornes sont exprimées en perches (Rute) et en pieds (Schue). L'écartement entre deux bornes, très variable, va de 4 perches 4 pieds (environ 13 m) pour les plus rapprochées à 62 perches (environ 180 m) pour les plus éloignées.
Le document distingue deux séries de bornes : au nord de la borne de référence, en direction du ban de Weinbourg, la première série comprend 16 bornes, numérotées de 1 à 16, disposées le long du Hambächlein dont le lit a longtemps matérialisé la limite sur une longueur de 495 m. La deuxième série, au sud en direction des bans de Bouxwiller et Neuwiller, comprend 20 bornes, numérotées de 1 à 20, disposées sur une longueur de 1655 m.
La borne 1 étant commune aux deux séries, ce sont donc 35 bornes qui sont répertoriées dans le document, pour une longueur totale de 2150 m.

Plus tard d'autres numérotations sont venues s'ajouter à la numérotation initiale. Ainsi, en direction de Weinbourg, la borne 2 porte également le numéro 44, la borne 3 le numéro 45, etc., alors qu'au sud, vers Bouxwiller et Neuwiller, la borne 2 porte le numéro 42, la 3 le numéro 41, etc. On trouve plus loin la borne 9 avec le numéro 35, ce qui est logique, puis trois bornes manquent avant d'arriver à la borne 13 qui porte aussi le numéro 57, valeur qui relève d'une autre numérotation...

Borne3       Borne6

Deux des bornes de la série sud : la 3/41 et la 6/38 (cassée).

Plus de deux siècles se sont écoulés depuis 1786.
Les débordements du Hambächlein, les chutes d'arbres, les passages des tracteurs et des machines agricoles ont arraché ou cassé des bornes mal placées, dont certaines ont disparu...
En 2012, 9 bornes sont portées manquantes, dont malheureusement la borne de référence, quelques-unes sont couchées (4) ou cassées (2), beaucoup sont couvertes de mousse et de lichens qui cachent les inscriptions qu'elles portent.

Par ailleurs, les chevrons des Hanau-Lichtenberg sont absents de toutes les bornes. Il faut sans doute y voir l'œuvre du burin des révolutionnaires d'Obersoultzbach car ces mêmes chevrons sont présents et intacts sur les bornes de la limite entre Weiterswiller et Neuwiller.

 

Le procès verbal du cadastre napoléonien

Le 20 avril 1834, pour l'établissement du cadastre napoléonien, un procès verbal du relevé de l'ensemble des bornes a été établi par « le sieur Honnacker », géomètre délimitateur. Ce relevé passe les bornes en revue dans 7 articles, accompagnés de « croquis visuels », consacrés aux limites entre Weiterswiller et les communes voisines : La Petite Pierre, Erckartswiller, Sparsbach, Weinbourg, Obersoultzbach, Bouxwiller et Neuwiller. Un article supplémentaire qui concerne la limite entre Weiterswiller et Sparsbach a été rajouté après coup.

Le premier article, rédigé le 29 juin 1830, énumére les bornes de la délimitation entre Weiterswiller et La Petite Pierre. Les bornes y sont numérotées de 1 à 16. Le maire de la commune d'Erkartswiller « refuse de signer l'article 1 et demande la réunion de la forêt dite Hubwald à sa banlieue. »
Le deuxième article n'est pas daté. Les bornes de la délimitation entre Weiterswiller et Erkartswiller y sont numérotées de 17 à 79.
Le troisième article n'est pas daté. Les bornes de la délimitation entre Weiterswiller et Sparsbach y sont numérotées de 80 à 133.
Le quatrième article, rédigé le 30 août 1830 concerne la délimitation entre Weiterswiller et Weinbourg. Les bornes portent les numéros 134 à 155 (croquis visuel ci-dessous).

Cadastre 1834

Le cinquième article, rédigé le 29 juin 1830, décrit la délimitation entre Weiterswiller et Obersoultzbach. Les bornes portent les numéros 156 à 188. On constate que celles posées en 1786 le long du ruisseau Hambachlein sont bien répertoriées.
Le sixième article, rédigé le 13 juin 1829 concerne la délimitation entre Weiterswiller et Bouxwiller. Deux bornes en marquent les extrémités; c'est le ruisseau de la Boxmühl, appelé Bouxwiller Graben sur le croquis visuel, qui sépare les deux bans.
Le septième article, non daté, décrit la délimitation entre Weiterswiller et Neuwiller. Le Bouxwiller Graben sert d'abord de séparation, puis une série de bornes numérotées de 189 à 206 boucle les limites du ban en ramenant au point de départ de l'article 1.

Sans doute à la suite du refus de signer du maire d'Erkartswiller, les trois premiers articles furent annulés par arrêté du conseil de préfecture du 29 novembre 1831. Le conseil décida de rattacher la forêt Hubwald, objet du litige, au ban de Sparsbach.
Les trois premiers articles furent alors remplacés par un article supplémentaire, non daté, qui décrit la délimitation entre Weiterswiller et Sparsbach. Les bornes y portent les numéros 1 à 37. La borne 1 est la même que celle de l'article 1 annulé et la borne 38 coïncide avec la borne 134 du quatrième article précédent.

Il y a donc au total, en 1834, date de rédaction définitive du procès verbal, 110 bornes répertoriées dans le procès verbal soit : 37 (Weiterswiller/Sparsbach) + 22 (Weiterswiller/Weinbourg) + 32 (Weiterswiller/Obersoultzbach) + 2 (Weiterswiller/Bouxwiller) + 17 (Weiterswiller/Neuwiller).
Les bornes que l'on trouve actuellement entre Weiterswiller et Neuwiller le long de la Niederwald ont été posées postérieurement à cette date.

 

 

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François SCHUNCK - décembre 2007
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