WEITERSWILLER

Le « Cent-gardes » Georges Strintz

 
 
Photo de G. Strintz

Georges Strintz en grand uniforme

Né à Weiterswiller le 6 mai 1834, Georges STRINTZ était le deuxième des six enfants de Jacques STRINZ et Barbe HERR. Dans un article (qui m'a été communiqué par Jean-Pierre Bloch) intitulé « Les alsaciens dans le corps d'élite », paru dans le numéro 8 de La Vie en Alsace d'août 1938, Félix Schneider le met en scène dans une anecdote dont voici un résumé.

Les « Cent-gardes »

Le 2 septembre 1852, Napoléon III est proclamé Empereur des Français. Il ne tarda pas à ressusciter les corps d'élite et créa les brillants régiments de la garde qui ne furent pas seulement des troupes de parade, mais qu'on rencontrait souvent en première ligne sur les champs de bataille sous le second empire. Par décret du 24 mars 1854, dit le journal officiel, il est créé un corps de cavalerie d'élite pour la garde de l'empereur et le service des palais impériaux. Ce corps porta la dénomination de « Escadron des Cent Gardes à cheval». L'escadron des Cent-gardes se composait d'un état major et de deux compagnies. Les cent-gardes se recrutaient dans les régiments de cavalerie de la garde ou de la ligne. La taille réglementaire était de un mètre quatre-vingts. Certains cavaliers mesuraient jusqu'à deux mètres dix, le plus grand deux mètres douze. Les simples gardes touchaient mille francs par an.

Les cavaliers des Cent-gardes ne devaient pas le salut aux sous-officiers des autres corps de troupe. L'uniforme était très brillant. Il se composait d'une tunique bleu de ciel doublée de soie rouge, d'un pantalon garance à bande noire et un chapeau pour la tenue de ville. En grande tenue de service, les Cent-gardes portaient la culotte en tricot blanc, la cuirasse avec l'aigle en relief, et le casque à crinière blanche. Les épaulettes des sous-officiers et des gardes avaient des franges de soie rouge recouvertes d'un rang de franges d'or. L'armement, se composait d'un mousqueton Treuille-de-Beaulieu, d'une latte qui s'y adaptait en baïonnette et d'une épée (pour la tenue de ville).

La garde de l'intérieur du Palais des Tuileries était exclusivement réservée aux Cent-gardes. Au rez-de-chaussée du Palais, dans l'aile droite, se trouvait le cabinet de l'Empereur qu'avaient occupé avant lui Louis XVI, Napoléon Ier et Louis XVIII.

 

L'anecdote

 
Strintz et Castellane

Georges Strintz aux prises avec le maréchal de Castellane

C'est devant la porte de ce cabinet qu'à l'occasion d'une grande réception le cent-gardes Georges Strintz de Weiterswiller, d'une taille de deux mètres dix, était de faction pendant que son compatriote, Muckensturm de Hochfelden, montait la garde sur ce monumental escalier de pierre du Palais où, le 10 août 1792, les suisses de Louis XVI, dernier rempart de la royauté expirante, reçurent les assaillants par un feu nourri et terrible. Le service de I'intérieur était pour les Cent-gardes assez fatigant. En faction, il leur fallait conserver une immobilité absolue, qui n'était interrompue qu'au passage de l'empereur ou d'un membre de la famille impériale, seuls personnages auxquels les Cent-gardes devaient le salut de l'arme. Cette consigne, excessivement sévère, donna un jour lieu à un incident assez comique et vraiment digne d'intérêt. Le vieux maréchal de Castellane, très en faveur chez l'empereur, grand homme de guerre, bien entendu, était en même temps un original fieffé, célèbre par sa sévérité, ses brusqueries et ses saillies devenues légendaires. Le vieux maréchal se rendait ce jour-là en grand gala, au palais des Tuileries et remarqua, qu'en passant devant la porte du cabinet de l'Empereur Ie garde de faction ne l'avait pas salué de l'arme. Colère du maréchal. Il s'approche du soldat géant, tout bardé d'acier et lui fait une observation d'un ton sévère. Le cent-gardes, telle une cariatide, ne bouge pas. Le maréchal ordonne, crie, tempête, parle même, sinon du peloton d'exécution, du moins du conseil de guerre. Rien, immobilité absolue du garde qui reste I'oeil fixe. Un officier d'ordonnance de I'Empereur vint à passer. « Faites-moi enlever ce bougre-là » gronde le maréchal. L'officier cherche à lui expliquer. L'autre ne veut rien entendre et fait un vacarme de tous les diables. Il fallut que l'Empereur lui-même se chargeât de justifier l'attitude du garde et de calmer l'irascible maréchal. Il va sans dire que celui qui provoqua cet incident n'était autre que le Cent-gardes Georges Strintz, alsacien, mais têtu comme un breton.

Epilogue

Les Cent-gardes firent escorte à Napoléon à Metz et à Longeville où ils reçurent des obus allemands dans leur camp. Puis ce fut la capitulation générale et la captivité pour les Cent-gardes! Un décret du ler octobre 1870 supprima l'escadron des Cent-gardes et le versa au 2ème régiment de marche de cuirassiers dont il forma la premier escadron. Il prit part à la défense de Paris, au combat de Châtillon et combattit à la ferme de Notre-Dame-des-Mêches. Après la capitulation de Paris, les cadres des officiers et sous-officiers de ce corps d'élite furent versés dans les 2ème et 12ème régiments de cuirassiers.

G. Strintz reprit du service et termina sa carrière comme Tambour-major. Il n'a plus jamais revu l'Alsace.

 

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François SCHUNCK - décembre 2007
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